La liberté d'expression en Algérie
Le principe de « liberté d'expression », au sens large, qui couvre la liberté d’informer, de publier et d’émettre des opinions, s’est construit dès l’accession de l’Algérie à l’indépendance en 1962 et consacré dans la première Constitution Algérienne.
Le cadre juridique est modifié à trois (03) reprises. (Première partie)
Ce principe de la liberté d’expression est consacré sous réserve d'en répondre devant les tribunaux en cas de transgression de la loi. (Deuxième partie)
- L’évolution de la liberté d’expression en Algérie
La liberté d’expression en Algérie a été l’objet d’une évolution que l’on peut résumer en trois (03) étapes :
De l’indépendance à 1988, en passant par la loi de 1982,
La loi sur l’information de 1990,
La loi du 10 janvier 2012.
I. La liberté d’expression : L’hégémonie du parti unique, le Front de libération nationale (FLN) (1962-1988)
L’impératif consensuel autour du FLN
Cette période est caractérisée par l’omniprésence du parti du FLN.
Au cours du congrès de Tripoli en juin 1962 du Front de Libération Nationale, un mois avant la proclamation de l’indépendance, le principe de la liberté d’expression qui va revêtir une protection constitutionnelle est évoqué.
L’état d’esprit qui règne avant l’indépendance estimant que toute information a des répercussions négatives pour la révolution algérienne est facilement transféré après 1962. Informer, communiquer permet à l’adversaire d’appréhender des indications qu’il retournera contre la révolution algérienne. Donc mieux on se tait et mieux on se protège.
Dès l’accession de l’Algérie à l’indépendance, en juillet 1962, neuf (09) journaux sont tout de suite interdits. En effet, cinq (05) jours après la proclamation de l’indépendance, un arrêté du Président de l'exécutif provisoire interdit l'impression, la mise en vente, la diffusion de l'organe central du Parti Communiste Algérien, l'hebdomadaire El-Hourriya (La liberté) au mois de novembre 1962.
En 1963, les journaux coloniaux La Dépêche d'Alger, La Dépêche d'Oran, La Dépêche de Constantine sont interdits.
En parallèle, et afin d’occuper le terrain, plusieurs journaux sont créés dont Révolution Africaine, (organe central du Front de Libération Nationale), Echaab/Le Peuple, El-Djoumhouria, En-Nasr, Révolution et Travail (1963) et Alger-Le Soir (1964).
La liberté d’expression ne peut donc se concevoir qu’à l’intérieur de la « famille révolutionnaire » et des idéaux définis par le FLN. La liberté d’expression est au service de l’idéologie dominante.
La remettre en cause est passible des tribunaux et notamment de la Cour de sureté de l’Etat[1].
En référence à la Charte de Tripoli, la charte nationale ainsi que la Constitution de 1976 ont consacré le champ d’application de la liberté d’expression en Algérie. Toute forme qui peut remettre en cause « les acquis du socialisme et de la lutte contre l’exploitation de l’homme par l’homme », et de ce fait du discours du FLN, est prohibée et passible de sanctions.
Durant cette époque, le journaliste Algérien a deux choix : Travailler au sein des organes de presse du secteur public où des rédactions contrôlées par le FLN. Il doit être un agent de propagande zélote.
Le premier code de l’information de 1982[2] a confirmé ce statut, d’autant qu’il inscrit la prééminence de l'État-Parti dans le domaine de l'information perçu comme « un des secteurs de souveraineté nationale » (art. 1, al. 1.).
L’article 3 indique : « Le droit à l'information s'exerce librement dans le cadre des options idéologiques du pays, des valeurs morales de la Nation et des orientations de la Direction politique du pays découlant de la Charte nationale, sous réserve des dispositions de la Constitution, notamment des articles 55 et 73 ».
C’est à la fin des années 1980 que la liberté d’expression dans son ensemble va être revue.
Octobre 1988 – mouvement populaire de protestation, le « Printemps arabe » Algérien
Le 5 octobre 1988, un vaste mouvement spontané de protestation éclate. Il est essentiellement mené par des adolescents et enflamme les principales villes Algériennes, pour des causes principalement sociales et économiques.
En réaction, l'armée intervient. Après une semaine extrêmement violente qui engendre plusieurs centaines de morts, le calme revient peu à peu. L’Algérie vit son « Printemps Arabe ».
C'est dans ce climat survolté que le 10 Octobre un « Collectif de 70 journalistes » condamne « l'utilisation violente et meurtrière de la force armée » et fait entendre des hommes de plume qui s’élèvent pour la première fois, de manière frontale, contre le pouvoir politique.
Le mouvement se prononce pour « une information régie par un secteur public puissant et démocratique qui conserve et développe la totalité des médias et titres existants à la date d'adoption de la nouvelle Constitution aux côtés d'une presse d'opinion pluraliste ».
Après les sanglants événements d’octobre 1988, le 23 février 1989, 7.290.760 algériens (73,43 % des suffrages exprimés) approuvent par référendum la troisième constitution algérienne qui garantit au citoyen « les libertés d'expression, d'association et de réunion » (article 39) et reconnaît le droit de « créer des associations à caractère politique » (article 40.)
Cette nouvelle Constitution institue le multipartisme, proclame la fin du socialisme et l’avènement de l’économie libérale.
Avec le multipartisme, un foisonnement de quotidiens privés voient le jour et les médias sont libérés du joug du FLN.
- La loi sur l’information : L’ouverture démocratique
Une nouvelle loi n° 90-07 du 3 avril 1990 est promulguée.
Dans la droite ligne des dispositions des articles 39 et 40 de la Constitution de 1989, cette loi qui reconnaît expressément la diversité d'opinions au sein de la société Algérienne consacre la liberté du droit à l’information. Ce droit s’exerce dans le respect de la dignité de la personne humaine, des libertés constitutionnelles, du secret de l’enquête et de l’instruction judiciaire, ainsi que des impératifs de la politique extérieure et de la défense nationale.
C’est la fin du monopole de l’Etat sur les moyens de l’information.
Des particuliers créent leur propre journal et de nombreuses maisons d’édition privées voient le jour.
L’article 4 de ladite loi l’énonce en ces termes :
« L’exercice du droit à l’information est assuré notamment par : les titres et organes d’information du secteur public ; les titres et organes appartenant ou crées par les associations à caractère politique ; les titres et organes crées par les personnes physiques ou morales de droit algérien »[3].
L’article 14 précise davantage la fin de ce monopole en ces termes : « l’édition de toute publication périodique est libre »[4].
53 journaux de droit privé sont créés. C’est le temps de la frénésie journalistique (caricaturistes, journaux d’opinions, critiques littéraires…)
Mais une année après la promulgation de cette loi, l’Algérie est frappée de plein fouet par le terrorisme barbare.
En effet, en 1991, l'Algérie a fait face au terrorisme dans l’indifférence générale des grands pays.
Plus de 100 journalistes et professionnels de l'information, ont été assassinés en Algérie depuis ce funeste 26 mai 1993. Des intellectuels, avocats, médecins, sociologues, hommes de lettres sont assassinés.
Il est important de s’arrêter un instant sur les sacrifices des journalistes Algériens durant ce que l’on a appelé « la décennie noire » où l’hydre maléfique barbare qui a frappé l’Algérie qui s’est retrouvée seule pour l’affronter.
Je voudrais citer la devise de la devise du regretté Tahar Djaout[5] qui fut lâchement assassiné, le 26 mai 1993 à Alger.
Il disait : « Le silence, c’est la mort, et toi, si tu te tais, tu meurs. Et si tu parles, tu meurs. Alors dis et meurs ».
C'est pour faire face à cette situation dramatique que l’Etat Algérien a décidé de décréter l'état d'urgence en février 1992[6].
Il va sans dire que cette situation a entraîné des restrictions à l'exercice de certains droits et libertés publiques, mais n'a pas suspendu la garantie de l'exercice des libertés fondamentales du citoyen inscrites dans l'ordre constitutionnel interne et dans les conventions internationales ratifiées par l'Algérie.
Le roman en Algérie :
Un mot sur la fiction romanesque algérienne qui mérite d’être soulignée. Des auteurs dénoncent toute forme de violence et les restrictions exercées sur les libertés individuelles et sur la liberté d’expression.
- Le texte de 2012[7] : Une liberté ambigüe
L’ancien code, que les journalistes qualifiaient d’ailleurs de « code pénal bis », ouvrait la voie à l’emprisonnement des journalistes, en plus des amendes.
Contrairement au code de 1990, la loi organique de 2012 consacre la dépénalisation du délit de presse. Finie donc l’ère où les journalistes étaient convoqués par les services de sécurité ou par la justice pour répondre de leurs écrits.
En la matière, la dépénalisation constitue une avancée, même si la nouvelle loi maintient le paiement des amendes, elle supprime l’emprisonnement.
Mieux encore, la loi de 2012 protège les journalistes dans l’exercice de leur profession[8].
En effet, si l’article 83 de loi 2012 conforte le journaliste dans sa quête de l’information, affirmant que « toutes les instances, les administrations et les institutions sont tenues de fournir au journaliste toutes les informations et les données qu’il demande de manière à garantir au citoyen le droit à l’information dans le cadre de la présente loi organique et de la législation en vigueur », cet accès n’est pas exempt de garde-fous.
L’article 84 est clair à ce sujet :
« Le droit d’accès aux sources d’information est reconnu au journaliste professionnel excepté lorsque : l’information concerne le secret de défense nationale, tel que défini par la législation en vigueur ; l’information porte atteinte à la sûreté de l’État et/ou à la souveraineté nationale de façon manifeste ; l’information porte sur le secret de l’enquête et de l’instruction judiciaire ; l’information concerne le secret économique stratégique ; l’information est de nature à porter atteinte à la politique étrangère et aux intérêts économiques du pays ».
Mais en même temps, les mêmes restrictions contenues dans le code de 1990 sont reproduites dans le texte de 2012.
L’article 92 relatif à l’éthique et à la déontologie enfonce davantage le clou en considérant qu’il est interdit au journaliste « de porter atteinte à l’histoire nationale ».
Les interdits contenus dans cette loi maintiennent une certaine forme d’unanimisme dans certains domaines.
Les domaines de « secret défense », de « sûreté de l’État », de « secret économique stratégique », la Défense, les Affaires étrangères et les services de sécurité ne peuvent faire l’objet de la moindre information du journaliste.
Il en est de même de l’interdiction se rapportant à « la violation directe ou indirecte de la vie privée des personnalistes publiques » (article 93).
Il s’agit en fait d’exclure toute critique, révélation dans des domaines où l’Etat n’accepte aucune contradiction.
A titre de comparaison, en Europe, si la presse ne doit pas franchir certaines limites, tenant notamment à la protection de la réputation et aux droits d’autrui ainsi qu’à la nécessité d’empêcher la divulgation d’informations confidentielles, il lui incombe néanmoins de communiquer, dans le respect de ses devoirs et de ses responsabilités, des informations et idées sur toutes les questions d’intérêt général (CEDH, De Haes et Gijsels, 24 février 1997).
Tout ce qui touche à l’intérêt général, le journaliste, selon la Cour européenne des droits de l’homme peut enquêter, écrire et commenter. Ce qui devrait être le cas en Algérie et ne pas restreindre le champ d’actions du journaliste algérien.
Celui-ci doit avoir des règles déontologiques afin qu’il exerce sa profession dans le respect évident d’un certain nombre d’obligations.
Déjà au mois d’avril 2000, une première chartre de l’éthique et de la déontologie du journaliste est diffusée.
La loi de 2012 consacre tout un titre à cette question « TITRE VI : DE LA PROFESSION DE JOURNALISTE, DE L’ETHIQUE ET DE LA DEONTOLOGIE ».
L’article 92 énonce les obligations du journaliste :
- respecter les attributs et les symboles de l’Etat,
- avoir le constant souci d’une information complète et objective,
- rapporter avec honnêteté et objectivité les faits et évènements,
- rectifier toute information qui se révèle inexacte,
- s’interdire de mettre en danger les personnes,
- s’interdire toute atteinte à l’histoire nationale,
- s’interdire l’apologie du colonialisme,
- s’interdire de faire de façon directe ou indirecte l’apologie du racisme, de l’intolérance et de la violence,
- s’interdire le plagiat, la calomnie et la diffamation,
- s’interdire d’utiliser, à des fins personnelles ou matérielles, le prestige moral attaché à la profession,
- s’interdire de diffuser ou de publier des images ou des propos amoraux ou choquants pour la sensibilité du citoyen
Par ailleurs, un conseil supérieur de l’éthique et de la déontologie du journalisme est créé. (Article 94).
Récemment, le ministre de la Communication, à l’occasion d'une nouvelle session de cycle conférences tenue sous le thème « Ethique, déontologie et pratique du journalisme au temps de l'Internet » a déclaré que le Conseil d'éthique et de déontologie sera installé aussitôt que le nombre de cartes de journaliste professionnel délivrées aura atteint les 3.000.
Le chiffre de 2.400 journalistes qui ont reçu leur carte de la Commission provisoire chargée de l’établissement de cette pièce est avancé[9].
Le droit de réponse :
La loi de 2012 prévoit le droit de réponse et de rectification. Ce n’est pas une nouveauté, puisque déjà en 1982, le droit de réponse est prévu.
Toute personne qui estime avoir fait l’objet d’imputations calomnieuses susceptibles de porter atteinte à son honneur ou à sa réputation peut user de son droit de réponse.
La demande est adressée par lettre recommandée, avec accusé de réception ou par voie d’huissier de justice, sous peine de forclusion, dans un délai maximum de trente (30) jours pour les journaux quotidiens ou le service de communication audiovisuelle ou tout organe d’information électronique et de soixante (60) jours pour les autres publications périodiques. (Article 103)
Le directeur responsable de la publication est tenu d’insérer dans le numéro du périodique suivant, gratuitement et dans les mêmes formes, la réponse ou la rectification qui lui est adressée.
Sanction du refus de publication du droit de réponse :
En cas de refus ou de silence gardé sur la demande par son destinataire dans les huit (8) jours suivant sa réception, le demandeur est fondé à saisir le tribunal statuant en référé. L’ordonnance de référé est rendue dans les trois jours. Le tribunal peut ordonner, sous astreinte, la diffusion de la réponse.
Des amendes sont prévues pour « quiconque refuse la publication ou la diffusion de réponses dans les médias concernés »[10].
II. Les infractions liées à la presse
Les infractions liées à la presse sont prévues et punies par les dispositions du code pénal, modifié et complété par la loi 06-23 du 20 novembre 2006.
II.I. Les infractions prévues dans Code pénal Algérien
La diffamation
Aux termes de l’article 296 du code pénal, la diffamation s’entend de «toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération des personnes ou du corps auquel le fait est imputé».
L’article 298 condamne « Toute diffamation commise envers des particuliers est punie d'un emprisonnement de deux (2) à six (6) mois et d'une amende de vingt-cinq mille (25.000) DA à cinquante mille (50.000) DA ou de l'une de ces deux peines seulement. Le pardon de la victime met fin aux poursuites pénales. Toute diffamation commise envers une ou plusieurs personnes qui appartiennent à un groupe ethnique ou philosophique, ou à une religion déterminée est punie d’un emprisonnement d’un (1) mois à un (1) an et d’une amende de dix mille (10.000) DA cent mille (100.000) DA ou de l’une de ces deux peines seulement, lorsqu’elle a pour but d’inciter à la haine entre les citoyens ou habitants ».
L’injure
Toute expression outrageante, terme de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait est une injure[11].
L’article 298 bis indique : « Toute injure commise envers une ou plusieurs personnes qui appartiennent à un groupe ethnique ou philosophique, ou à une religion déterminée est punie d’un emprisonnement de cinq (5) jours à six (6) mois et d’une amende de cinq mille (5.000) DA à cinquante mille (50.000) DA ou de l’une de ces deux peines seulement. (3) Art. 299. (Modifié) - Toute injure commise contre une ou plusieurs personnes est punie d'un emprisonnement d'un (1) à trois (3) mois et d'une amende de dix mille (10.000) DA à vingt-cinq mille (25.000) DA. Le pardon de la victime met fin aux poursuites pénales ».
L’outrage
Au délit de diffamation et d’injure a été ajouté le délit d’outrage, exposant l’auteur et la publication à de nouvelles responsabilités pénales.
En effet, il ressort des dispositions de l’article 144 et suivants du Code pénal que le législateur considère que l’outrage, en tant qu’attitude irrespectueuse envers une personne représentant une autorité publique, se commet à travers des paroles, gestes ou menaces, écrits ou images qui n’ont pas été rendus publics et que l’infraction est dirigée directement contre la personne.
Par contre, les délits de presse comme la diffamation et l’injure sont conditionnés par le critère de publicité et au fait que leur auteur s’adresse directement au public.
Le délit d’outrage est une infraction touchant à l’ordre public qui dispense de la condition de la plainte préalable.
Le ministère public a l’opportunité de la poursuite et le journaliste risque la condamnation sans qu’il puisse connaître sa victime, sans qu’il puisse déterminer les passages de son écrit et, en cas de récidive, il risque de voir sa peine doublée.
Ces trois délits, l’outrage, la diffamation et l’injure, sont réunis dans la même disposition de l’article 146 du code pénal[12], alors que les éléments constitutifs et les sanctions diffèrent d’un délit à un autre.
Plus concrètement, l’auteur du même article de presse peut être poursuivi pour les trois délits prévus et punis par les dispositions précitées. Si le journaliste est poursuivi pour l’un de ces délits, il ne bénéficie pas des garanties, plus particulièrement dans le cas de la diffamation.
II.II. Les infractions prévues dans le Code de l’information de 2012
- Les atteintes au secret des enquêtes préliminaires, des débats à huis clos des juridictions de jugements, à celui de l’état des personnes et de l’avortement
Effectivement, l’article 119 punit toute publication ou diffusion portant atteinte au secret de l’enquête préliminaire des infractions.
L’article 120 quant à lui réprime « quiconque publie ou diffuse, par l’un des moyens d’information prévus par la présente loi organique, la teneur des débats des juridictions de jugement, lorsque celles-ci en prononcent le huis clos ».
Enfin l’article 121 punit « d’une amende de 50.000 à 200.000 DA, quiconque publie ou diffuse, par l’un des moyens d’information prévus par la présente loi organique, des comptes rendus de débats des procès relatifs à l’état des personnes et à l’avortement ».
II.III. la prescription
L’article 124 prévoit que «L’action publique et l’action civile relatives aux délits commis par voie de presse écrite, audiovisuelle ou en ligne se prescrivent par six (06) mois révolus à compter du jour où ils ont été commis ».
II.IV. L’exception de vérité
En France, la loi permet au journaliste poursuivi pour diffamation ou outrage d’apporter la preuve de la véracité de l’allégation ou de l’imputation litigieuse.
Si le journaliste réussit à apporter cette preuve devant le juge en apportant des preuves écrites ou des témoignages, il est automatiquement relaxé : c’est l’exceptio veritatis ou l’exception de vérité.
Le texte de 1982 introduit cette notion. L’article 126 prévoit que «la preuve du fait diffamatoire est libre».
Bien plus, l’article 121 de la loi de 1982 énonce un principe renforçant la liberté de la presse puisqu’il considère la critique du fonctionnement ou de la gestion des services publics comme n’étant pas constitutive de délit de diffamation.
Cette règle fondamentale disparaît dans le nouveau texte.
Omission involontaire ou volontaire, en tout cas, l’absence dans le texte de 2012 de la règle de l’exceptio veritatis entraîne des conséquences insoupçonnables sur la liberté de la presse et des droits de la défense des journalistes.
En cas de poursuites pénales pour diffamation ou outrage, le journaliste est automatiquement condamné quand bien même il apporte la preuve de la véracité des allégations objet de ces poursuites.
Dans les affaires où sont impliqués des journalistes pour délit de diffamation, et à défaut d’opposer l’exceptio veritatis pour obtenir une décision de relaxe, les avocats de la défense soulèvent en tout état de cause l’absence de l’élément moral de l’infraction, plaidant la bonne foi de leur client.
La mauvaise foi est en matière d’infractions de publication présumée. Dans ce cas, afin que le juge puisse retenir la bonne foi du journaliste et le relaxer des faits de la poursuite de diffamation, il doit constater que ce dernier a agi avec prudence et mesure dans son expression, en vérifiant ses sources, sans intention de nuire et en poursuivant un but légitime. La bonne foi constitue donc un fait justificatif qui dégage tout caractère délictueux au fait incriminé.
Il n’y a donc aucune différence entre l’effet de l’exceptio veritatis et celui de l’exception de bonne foi.
Conclusion
La liberté d’expression s’est établie en Algérie à la suite d’un long processus qui nécessite encore de profondes réformes pour devenir une liberté fondamentale, sans restriction, à l’instar de toutes les grandes démocraties.
Ce mouvement irréversible a été quelque peu ralenti par la guerre meurtrière contre le terrorisme qui a duré plus de dix ans dans les années 1990.
En 2011, l'état d'urgence a été levé.
Il reste encore certaines limitations qui freinent la liberté d’expression, d’associations, et d’assemblée, chèrement acquises par la lutte sans relâche d’Algériennes et d’Algériens. Elles doivent être impérativement bannies de la culture politique.
Avec l'émergence d'une nouvelle génération rompue aux outils de communication et aux réseaux informatiques, la société Algérienne est de mieux en mieux informée.
Les moyens de communication, l’Internet, les chaînes satellitaires ont totalement modifiés le mode de vie des Algériens qui sont devenus de plus en plus exigeants en matière d’informations.
Les journalistes Algériens, malgré les dangers bravés sont dans le monde arabe ceux qui sont les plus critiques et la presse Algérienne, de manière générale, est bouillonnante d’énergie.
Références bibliographiques
Brahimi Brahim, 1989, Le pouvoir, la presse et les intellectuels en Algérie, Paris, L’Harmattan.
Brahimi Mohamed, « Le délit de presse en Algérie, un délit spécial ou un délit de droit commun ? », Le Soir d’Algérie, septembre 2012 (en ligne) http://www.lesoirdalgerie.com/articles/2012/09/02/article. php?sid=138598&cid=41
CHENAÏF Fatima, « La liberté de la presse en Algérie, un équilibre difficile » file:///C:/Users/Chems/Downloads/113-120_FATIMA%20CHENAIF_FRA%20(3).pdf
FERCHICHE Nassima, « La liberté de la presse écrite dans l'ordre juridique algérien », thèse 2011, : Institut Universitaire Varenne
Lakhdari Mokhtar, La justice et la presse, problématique du droit à l’information et de la bonne administration de la justice, Edition Houma, 2011.
[1] La Cour de sureté de l’Etat a été dissoute par la loi n°89-06 du 25 avril 1989 (JORA n°17 page 373)
[2] Loi n°82-01 du 06 février 1982 portant code de l’information (JORA n°6 du 9.02.1982, p. 159)
[3] Loi n° 90-07 du 3 avril 1990 relative à l’information, (JORA n° 014 du 04-04-1990)
[4] Ibid
[5] Né le 11 janvier 1954, assassiné le 2 juin 1993 à Alger. Il est un écrivain, poète, romancier et journaliste Algérien, d’expression française.
[6] JORA, n° 10, 9 février 1992
[7] Loi organique n° 12-05 du 12 janvier 2012 relative à l’information
[8] Art. 126. — Est puni d’une amende de (30.000 DA) à (100.000 DA), quiconque par gestes dégradants ou propos désobligeants offense un journaliste, pendant ou à l’occasion de l’exercice de sa profession.
[9] Décret exécutif n° 14-151 du 30 avril 2014, JORA n° 27 du 10 mai 2014)
[10] Article 125
[11] Article. 297
[12]Article 146 « L‘outrage, l‘injure ou la diffamation commis par l‘un des moyens énoncés aux articles 144 bis et 144 bis 1 envers le parlement ou l‘une de ses deux chambres, les cours ou les tribunaux ou envers l‘armée nationale populaire, ou envers tout corps constitué ou toute autre institution publique, est puni des peines prévues aux articles ci-dessus».
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